Mariano Rivera : le pêcheur panaméen devenu « Bombardier du Bronx »

Ingrid Piponiot-Laroche
8 Octobre 2013



L'heure est venue pour la star des New York Yankees de ranger son éternel maillot numéro 42. Le dernier match de sa carrière, et de sa dix-neuvième saison parmi les « Bombardiers du Bronx », s'est conclu par une longue ovation du public. L'occasion de faire un retour sur la brillante carrière de Mariano Rivera, le « meilleur lanceur de tous les temps », une fierté pour la nation panaméenne.


Credit Photo -- Getty Images
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Pour s'intéresser au « meilleur lanceur de tous les temps », il n'est pas nécessaire d'être mordu de baseball. C'est avant tout l'histoire d'une « success story » à l'américaine, l'histoire d'un jeune Panaméen modeste, issu d'une famille de pêcheurs, qui est devenu en vingt ans une légende vivante du baseball.

Mariano Rivera est né à Puerto Caimito, petit port de pêcheurs non loin de Panama City. Dès son plus jeune âge, il rêve d'une carrière sportive, mais dans le monde du football. Cependant, suite à une blessure à la cheville, il se voit obligé de se dédier comme son père à la pêche industrielle et à la mécanique. Malgré sa vie professionnelle, Mariano Rivera n'abandonne pas le sport et joue dans un club amateur de baseball. Si ses performances ne sont pas exceptionnelles, il est cependant repéré par un chasseur de talents des New York Yankees pour son athléticité. En 1990, le jeune Mariano Rivera, âgé de 21 ans, signe un contrat avec les Bombardiers et s'envole vers les États-Unis.

Une « success story » à l'américaine

Sa carrière professionnelle en baseball débute dans les Minor Leagues, où il sera lanceur, ou pitcher en anglais, de 1990 à 1995. Bien que les avis des experts sur ses talents sportifs soient mitigés, son évolution majeure au cours de ces cinq premières années fait présager un futur prometteur. Mariano Rivera, devenu « Mo » pour le public, passe alors en Major Leagues pour remplacer un coéquipier blessé. Avec son éternel 42 sur le dos, Mo va casser en dix-neuf ans de carrière une quantité extraordinaire de records de l'histoire du baseball.

Considéré comme le « meilleur closer de tous les temps », il a sauvé plus de trente matchs avec 652 victoires préservées, appelées saves en anglais. Il possède actuellement le meilleur score d'effectivité du monde, et le treizième de l'histoire du baseball. Si l'on veut continuer avec les grands chiffres, on peut ajouter qu'il a remporté cinq fois la Série Mondiale avec les New York Yankees, dont la dernière en 2009, et qu'il a été déclaré treize fois American League All-Star. Depuis son arrivée dans les Major Leagues en 1995, Mo a remporté plus de 169 millions de dollars.

Grande star des New York Yankees, il suffit de voir la couverture médiatique de son départ en retraite pour comprendre à quel point ce sportif a marqué le monde du baseball. Le joueur de 43 ans s'est vu dédier une cérémonie d'honneur de cinquante minutes le dimanche 22 septembre au Yankee Stadium. De modeste pêcheur à sportif internationalement reconnu, Mariano Rivera a vécu pleinement son rêve américain. Et comme il le dit si bien lui même : « [America] has given me the pleasure since I left my country 23 years ago. That’s why America is a great country [J'ai quitté mon pays il y a 23 ans et les États-Unis me le rendent bien. C'est pour ça que les États-Unis sont un pays formidable] ».

Un « grand ambassadeur du sport »

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Selon Bruce Bochy, entraîneur de l'équipe rivale des Giants de San Francisco, Mo est un « grand ambassadeur du sport ». Dans ce monde aujourd'hui éclaboussé de divers scandales, Mariano Rivera fait partie des personnages qui illustrent encore les vraies valeurs du sport. Selon Jayson Stark, journaliste pour ESPN, Mo est un homme acharné qui « a cherché la perfection et l'a presque trouvée ». Il ajoute qu'il a élevé sa position « a un niveau de splendeur et de dignité rarement vu dans la vie sportive moderne ». Bien qu'il se dédie entièrement à sa carrière, Mo a su rester fidèle à ses valeurs traditionnelles et à celles du sport, mais a également été capable de limiter l'attention médiatique et éviter quelconque scandale.

Issu d'une famille modeste panaméenne, ce ne sont pas les millions de dollars qui lui ont fait oublier d'où il vient. Bien qu'il ait changé sa petite maison d'enfance par une mansion barricadée dans le même village, il est tout de même considéré par son entourage comme quelqu'un d'humble et reconnaissant.

Lors de son discours d'adieux au Yankee Stadium, Mariano Rivera a notamment insisté sur trois points : sa famille, sa patrie et sa religion. Pour l'occasion, il avait en effet fait venir ses parents, sa femme, avec qui il partage sa vie depuis très jeune, et ses trois enfants sur le terrain. De plus, comme il l'a souligné dans le discours, sa famille comprend également ses coéquipiers avec qui il a partagé tant d'émotions pendant dix-neuf ans.

Au-delà des valeurs familiales, le sportif donne une place centrale aux valeurs chrétiennes. Selon lui, c'est grâce à Dieu que son jeu a autant évolué ces dernières années, qu'il est devenu l'homme et le joueur qu'il est aujourd'hui. C'est pourquoi il a dédié la première phrase de son discours à Dieu, qu'il remercie pour tout ce qu'il lui a apporté.

Mariano Rivera a beau avoir vécu 23 ans aux États-Unis, il n'a pas pour autant oublié sa patrie. C'est dans un Yankee Stadium rempli de drapeaux panaméens que le sportif a remercié, d'abord en anglais puis en espagnol, son « beau pays ». Depuis New York, Mo n'a jamais cessé d'agir pour le Panama, notamment à travers de sa fondation qui se dirige aux jeunes en difficulté. Tous les ans, en décembre, Mariano Rivera revient passer les fêtes en famille au Panama, mais également participer à des actions charitables. Très proche des valeurs catholiques, sa fondation permet notamment la construction d'écoles et d'églises, mais également l'accès à l'université et aux ordinateurs pour les jeunes les plus défavorisés.

Seul petit hic : Mariano n'a pas revêtut pas le maillot panaméen pour certains tournois, comme la Classique Mondiale de Baseball, par loyauté envers les New York Yanquees. Cela lui a valu de nombreuses critiques au Panama, où certains le considèrent trop « gringo ». Mais tout cela semble aujourd'hui être loin, et le pays a suivi avec très grand intérêt la fin de carrière du joueur.

Panama, fournisseur de sportifs internationaux

La semaine d'adieux de Mariano Rivera a été un grand moment de fierté pour le Panama. Les nombreux hommages rendus au sportif ont eu une répercussion incroyable dans ce pays où le baseball est l'un des sports favoris. Pour la cérémonie d'honneur au Yankee Stadium, une délégation officielle s'est rendue sur place, et notamment l'actuel président de la République, Ricardo Martinelli. Celui-ci a même déclaré que l'autoroute reliant Arraiján à La Chorrera, où se trouve son village natal, sera renommée Mariano Rivera.

Au Panama, les médias ont passé en boucle les images, en y ajoutant des micro-trottoirs témoignant l'orgueil des Panaméens. De plus, des cérémonies d'honneur ont été organisées pour célébrer sa carrière, et notamment à Puerto Caimito, son village natal. Cependant, bien que le Panama ne soit qu'un petit pays de 3 802 millions d'habitants, ce n'est pas la première fois que l'un de ses sportifs brille à l'international. En effet, le pays s'auto-proclame fournisseur des sportifs à plus grand succès d'Amérique centrale.

Il faut dire que les Panaméens brillent notamment dans les sports anglo-saxons, car l'influence historique nord-américaine a laissé sa trace dans la pratique du sport au Panama. Dans le monde de la boxe, on peut citer Panamá Al Brown, sportif du début du XXe siècle qui a marqué l'histoire en étant le premier champion du monde hispanique, ou encore Roberto Durán des années 1960 à 1990. En baseball, Rodney Cline Carew a brillé dans les Grandes Ligues aux États-Unis pendant les années 1970 et 1980. Pendant la même époque, le basketteur Rolando Blackman s'est fait un nom en NBA. On peut également citer Laffit Alejandro Pincay Jr, très grand jockey qui a dominé les tournois nord-américains des années 1960 à 2000, ou encore Julio César Dely Valdés, footballeur qui a notamment joué avec le Paris Saint Germain (de 1995 à 1997) et le Málaga CF.

Le départ en retraite du « Grand Mariano » marque la fin d'une époque pour les New York Yankees, qui perdent leur plus grand lanceur après dix-neuf ans de carrière. Mo laissera à jamais une trace dans l'histoire des Bombardiers, à tel point que le maillot numéro 42 sera retiré de l'équipe. Mais cet événement est également l'occasion pour le Panama de fêter le succès d'un nouveau grand nom du sport national. Cependant, comme beaucoup de sportifs panaméens, la carrière de Mariano Rivera s'est construite aux États-Unis, et la question est maintenant de savoir si le sportif choisira d'y rester, ou de retourner à son pays natal pour soutenir le baseball panaméen.

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